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La sarcoïdose (maladie de Besnier, Boeck et Schaumann) est une maladie granulomateuse diffuse, d’étiologie inconnue, qui peut toucher de nombreux organes : le poumon préférentiellement (localisation médiastinothoracique) mais aussi la peau, la synoviale, l’os, le cœur, le rein ou le système nerveux central. L’atteinte médiastinothoracique est isolée dans 40 % des cas ou s’associe à des manifestations extrathoraciques dans 40 % des cas. Les formes extrathoraciques isolées sont plus rares (environ 20 %). Elle survient préférentiellement entre 20 et 40 ans et est plus sévère chez le sujet Noir.
Manifestations rhumatologiques de la sarcoïdose
Syndrome de Löfgren
Il s’agit de la sarcoïdose aiguë (révélatrice dans 5 à 10 % des cas) qui atteint souvent la femme. Il associe classiquement :
* érythème noueux ( photo 11 dans le cahier couleur) : il est typique et évolue sans séquelles, spontanément ou grâce à un traitement par repos antalgique et anti-inflammatoires non stéroïdiens. La biopsie cutanée est aspécifique et n’a aucun intérêt ;
* atteinte articulaire : le plus souvent, il s’agit d’une oligo- ou polyarthrite fébrile, aiguë et symétrique, touchant les grosses et moyennes articulations des membres inférieurs (chevilles et genoux). L’atteinte bilatérale des chevilles est quasi constante et se distingue par une augmentation de volume liée à l’arthrite, aux ténosynovites et à l’infiltration du tissu périarticulaire. Les radiographies articulaires sont normales. La biopsie synoviale à ce stade est souvent aspécifique et n’est pas indiquée ;
* adénopathies hiliaires bilatérales asymptomatiques et non compressives : la radiographie du thorax montre un stade I dans 80 % des cas. Parfois, apparaît un infiltrat pulmonaire (stade II).
Pronostic du syndrome de Löfgren
Le pronostic du syndrome de Löfgren est tout à fait favorable, la guérison étant obtenue spontanément en quelques mois. Cependant de rares malades ont une évolution chronique.
Traitement du syndrome de Löfgren
Le traitement dans le syndrome de Löfgren est exclusivement symptomatique et basé sur le repos, les antalgiques et les AINS. On évite à ce stade la corticothérapie sauf dans les formes d’évolution défavorable.
Mono, oligo ou polyarthrites aiguës
Elles sont rares, le plus souvent symétriques, parfois migratrices, avec atteinte des petites et moyennes articulations, sans érythème noueux.
Leur diagnostic est difficile (l’atteinte des chevilles étant cependant évocatrice). Il faut rechercher, lors des premiers signes et au cours de l’évolution, d’autres signes de sarcoïdose.
Arthropathies chroniques (exceptionnelles)
Il s’agit d’oligo ou de polyarthrites chroniques, généralement non destructrices et non déformantes, qui évoluent par poussées. La biopsie de synoviale peut être indiquée, à ce stade, et montre une synovite granulomateuse spécifique. Elles nécessitent, en général, une corticothérapie locale ou générale.
Myalgies
Elles sont habituellement modérées et prédominent aux ceintures. En revanche, l’histologie musculaire est souvent positive avec mise en évidence des granulomes.
Atteinte osseuse
De la main
Elle se présente sous forme de dactylite inflammatoire, uni- ou bilatérale, de la 2 e et 3 e phalange, fréquemment asymptomatique ou peu douloureuse. Le doigt est infiltré et prend un aspect dit en « radis », avec coloration violine, cyanique, ongles fendillés.
Sur les radiographies, on peut trouver au niveau des petits os tubulaires des extrémités (surtout les phalanges) : soit un kyste circonscrit (ostéite cystoïde), soit de multiples lacunes de petite taille réalisant souvent un aspect grillagé, soit une ou plusieurs géodes volumineuses. Ces lésions sont parfois totalement asymptomatiques.
Des os longs et du crâne
Ces manifestations, souvent asymptomatiques, sont rares. Radiologiquement, il existe des lacunes sans condensation périlésionnelle. L’atteinte lytique des os propres du nez peut se voir en cas d’atteinte cutanée de la face.
Perturbations du métabolisme phosphocalcique
Il s’agit d’une hypercalciurie (35 % des malades environ) avec ou sans hypercalcémie (présente dans 10 % des cas), qui peut être responsable de lithiases calciques et de néphrocalcinose. Elle correspond à la production par le granulome sarcoïdosique de 1-25 OH D3. Une hypercalcémie sévère est possible surtout après exposition solaire ; une corticothérapie peut alors être indiquée.
Comment faire le diagnostic de sarcoïdose ?
Diagnostic de certitude
Le diagnostic de sarcoïdose repose sur 3 éléments indispensables :
* la conjonction de signes cliniques et paracliniques compatibles ;
* la mise en évidence d’un granulome épithélioïde et giganto-cellulaire sans nécrose caséeuse ;
* l’exclusion des autres diagnostics potentiels : granulomatoses infectieuses (tuberculose, mycobactéries atypiques, histoplasmose, mycoses, parasitoses), toxiques (beryliose, médicamenteuse), inflammatoires (maladie de Wegener, pneumopathie d’hypersensibilité, etc.), lymphomes.
Éléments cliniques et paracliniques orientant le diagnostic
Il faut systématiquement rechercher les autres manifestations asymptomatiques et symptomatiques de la sarcoïdose.
Examens complémentaires
Certains examens complémentaires peuvent orienter vers le diagnostic de sarcoïdose :
* la numérotation formule sanguine ( NFS) est le plus souvent normale (parfois lymphopénie) ainsi que la VS (sauf dans le syndrome de Löfgren) ;
* une hypercalciurie avec ou sans hypercalcémie peut être trouvée ;
* une hypergammaglobuline polyclonale (inconstante) peut être présente ;
* une intradermoréaction à la tuberculine peut être utile et montre une anergie ou mieux, une négativation de l’ IDR ;
* l’enzyme de conversion de l’angiotensine I ( ECA) est élevée dans 40 à 90 % des cas. Cette élévation est évocatrice mais non spécifique ; elle peut s’observer également au cours d’autres affections dont les granulomatoses ;
* la radiographie de thorax : indispensable, elle oriente le diagnostic chez 80 % des malades (cf. infra).
Biopsies
Les biopsies les moins agressives possibles doivent être utilisées : tout d’abord les biopsies superficielles, puis les biopsies plus profondes en l’absence de lésion superficielle :
* une biopsie d’une lésion cutanée ou d’une adénopathie superficielle ;
* une biopsie des glandes salivaires accessoires (sensibilité de 30 %) ;
* une biopsie bronchique ou transbronchique (fréquence de l’atteinte intrathoracique, sensibilité de 60 %) ;
* une biopsie synoviale (au cours des arthropathies chroniques) ;
* une biopsie hépatique (sensibilité de 90 % mais faible spécificité) ;
* une biopsie médiastinale, etc.
La biopsie recherche le granulome épithélioïde et giganto-cellulaire qui comporte :
* des cellules épithélioïdes en amas mélées à des cellules géantes de type cellule de Langhans (noyau en « fer à cheval ») ;
* de nombreux lymphocytes en zone marginale ;
* une réaction fibroblastique en couronne.
Il n’existe jamais de nécrose caséeuse ni d’agent pathogène (qu’il faut rechercher systématiquement : bacille tuberculeux, bacille alcoolo-acide résistant, parasite, corps étrangers, exposition particulière : berylliose, etc.).
Autres manifestations de sarcoïdose
Manifestations médiastinothoraciques (80 %)
Toux spasmodique, dyspnée d’effort souvent modérée peuvent révéler la maladie, mais souvent le patient est asymptomatique.
Radiographie de thorax ( figure 21.1)
Elle doit être systématique. Il existe quatre types d’atteinte radiologique :
* stade 0 : image thoracique normale au cours d’une sarcoïdose extrathoracique (20 % des malades) ;
* stade 1 : adénopathies intrathoraciques isolées, non compressives, le plus souvent asymptomatiques (50 %) ;
* stade 2 : image infiltrative diffuse avec adénopathies intrathoraciques ;
* stade 3 : image infiltrative diffuse sans fibrose (25 %) ;
* stade 4 : lésions irréversibles fibroemphysémateuses (5 à 8 % des cas).
Fig. 21.1. Adénomégalies médiastinales bilatérales (« lymphome hilaire bilatéral ») sans atteinte pulmonaire interstitielle, dans une sarcoïdose pulmonaire au stade I.
Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
Épreuve fonctionnelle repsiratoire ( EFR) avec spiromètrie et DLCO
Elle doit être systématique pour évaluer le retentissement fonctionnel respiratoire initial puis dépister les aggravations.
Scanner thoracique haute résolution avec injection
Il précise les lésions et est plus sensible dans la détection de l’atteinte interstitielle.
Fibroscopie avec lavage bronchoalvéolaire ( LBA) et biopsies étagées multiples
L’indication sera portée par le pneumologue : le LBA montre le plus souvent une alvéolite lymphocytaire avec augmentation du pourcentage de lymphocytes CD 4+. Cette anomalie peut exister au cours des sarcoïdoses à manifestation purement extrathoracique.
Manifestations cutanées (20 %)
L’érythème noueux du syndrome de Löfgren : il n’a aucune caractéristique propre et évolue favorablement en quelques semaines. Il faut éliminer les autres causes d’érythème noueux (tuberculose, streptocoques, yersinias, médicaments, etc.).
Les sarcoïdes sont des lésions cutanées spécifiques infiltrées, violines, qui font apparaître à la vitropression les « grains lupoïdes jaunâtres ». Les sarcoïdes peuvent être soit papuleuses de petit diamètre ou plus volumineux à gros nodules. Il faut les rechercher au visage, sur les membres mais aussi sur les cicatrices du patient.
Le lupus pernio, lésions en placard, rouges ou violacées prédominant à la face ; une atteinte nasale peut être associée.
Manifestations oculaires (20 %)
L’atteinte de la conjonctive et des glandes lacrymales est le plus souvent bénigne.
Les uvéites granulomateuses (20 % des patients) menacent le pronostic oculaire et sont souvent associées à une atteinte médiastinopulmonaire grave. Elles sont habituellement antérieures, torpides, granulomateuses et chroniques. Parfois, elles sont postérieures avec atteinte rétinienne et vascularite de mauvais pronostic, et nécessite une corticothérapie générale.
Un examen ophtalmologique régulier est indispensable.
Adénopathies périphériques
Elles sont trouvées chez 10 % des patients : cervicales, sus-claviculaires ou épitrochléennes, etc.
Manifestations salivaires
Les parotidites et sous-maxillites réalisent le syndrome de Mikulicz. L’association d’une uvéoparotidite fébrile avec atteinte du nerf facial (syndrome d’Heerfordt) est classique. La sarcoïdose est également responsable de syndrome sec.
Manifestations cardiaques
La cardiomyopathie se traduit par des troubles de la conduction, en particulier le bloc auriculo-ventriculaire du 1 er, 2 e ou 3 e degré ou des troubles du rythme responsables de syncopes ou de mort subite.
Cette atteinte justifie un dépistage systématique lors du suivi. Une confirmation de la cardiopathie par un avis spécialisé est nécessaire dans les plus brefs délais : c’est une indication formelle à une corticothérapie à forte dose.
Manifestations neurologiques
L’atteinte des paires crâniennes concerne le VII, le nerf ophtalmique ou le V. Des méningites lymphocytaires souvent latentes mais également une pachyméningite granulomateuse sont parfois observées. Il peut exister : des myélites, des infiltrats cérébraux sarcoïdosiques ou des vascularites cérébrales.
Manifestations rénales
On observe parfois une néphrocalcinose secondaire à l’hypercalciurie ; rarement une infiltration rénale par des granulomes sarcoïdosiques.
Manifestations hépatiques et digestives
Hépatomégalie et anomalies biologiques (cholestase) sont rares, mais le parenchyme hépatique est souvent siège d’un infiltrat sarcoïdosique.
Suivi et traitement
Surveillance régulière
Elle s’impose par un examen clinique tous les 3 à 6 mois et un bilan plus complet tous les 6 à 12 mois incluant : radiographie de thorax, EFR avec spiromètrie et DLCO, un ECG, une consultation ophtalmologique, un contrôle biologique incluant une calciurie des 24 h et dosage d’enzyme de conversion des angiotensines ( ECA).
Abstention thérapeutique
C’est le cas le plus fréquent, en particulier pour le syndrome de Löfgren et les stades I ou II asymptomatiques. Les patients doivent cependant éviter les expositions solaires.
Corticothérapie
Elle doit être discutée dans les formes avec atteintes pulmonaires invalidantes (stade III et IV ou aggravation progressive) et les manifestations extrathoraciques graves (uvéite postérieure, atteinte rénale, atteintes cardiaques ou neurologiques symptomatiques) ainsi que les rares formes rhumatologiques chroniques et l’hypercalcémie.
Points clés
* La sarcoïdose est une maladie granulomateuse diffuse multiviscérale avec atteinte préférentielle médiastinothoracique.
* Le syndrome de Löfgren est la sarcoïdose aiguë initiale associant oligo- ou polyarthrite, érythème noueux et adénopathies médiastinales. Son pronostic est favorable.
* Le diagnostic de sarcoïdose repose sur la mise en évidence d’un granulome épithélioïde et giganto-cellulaire sans nécrose caséeuse et sur l’élimination des autres diagnostics potentiels.
* Il faut savoir rechercher les manifestations asymptomatiques et symptomatiques de la sarcoïdose.
* Un suivi régulier est indispensable pour dépister les manifestations viscérales graves ou une aggravation, en particulier respiratoire.
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