Témoignage d’un alcoolique

#80647
bruno
Participant

Témoignage d’un alcoolique

Peu à peu, ma vie est devenue un enfer permanent dans lequel plus rien ni personne ne comptait si ce n’est l’alcoolisation de plus en plus intensive de mon corps et de mon esprit. D’esprit il me manquait lorsque j’ingurgitais au choix un litre de pastis, 6 litres de bière…sur douze heures…C’est beaucoup ? Cela est relatif. Certains ont consommé bien plus, d’autres bien moins. Le point commun est la souffrance, quelque soit la quantité ingurgitée.

Mes journées commençaient inéluctablement par le premier verre devenu absolument nécessaire à ma survie alcoolique et à ma déchéance progressive qui s’est avérée en fait rapide et surtout insidieuse.

L’alcool est un ennemi qui s’installe en vous sous une apparence amicale, comme pour mieux vous apprivoiser au début… L’anxiété et l’angoisse ne peuvent lui résister…pour un temps du moins.

Mais il est très doué pour vous faire perdre pied. Une fois bien installé, il devient une partie intégrante de votre personnalité, de tous vos faits et gestes, de toutes vos pensées. Il domine d’ailleurs complètement le malade. Vous le prenez car il est devenu un besoin (physique et surtout psychologique), un facteur de survie mais aussi d’autodestruction. Car l’alcool devient un excellent moyen de suicide lent, en douceur, malgré les heurts qu’il provoque. C’est un long chemin vers l’enfer qui vous attend et qui risque de vous y mener tout droit.

Il est le meilleur moyen de laisser un état dépressif latent ou déclaré de se forger une force, une puissance incroyables. Grâce à lui, des familles se déchirent, les malades accomplissent des comportements qu’ils ignoraient être capables de même oser imaginer.

Les amis, les collègues, la famille se voilent la face au début. Tout comme le malade avant tout. Mais pour ce dernier, devenu maître (alors qu’esclave…) dans l’art du mensonge envers autrui mais surtout envers lui-même, la face est encore plus voilée.

Dans l’intégrisme de l’univers alcoolique, la vérité, la sincérité, la spontanéité n’ont plus leur place. La vie non plus d’ailleurs. Même si ces valeurs avaient une importance capitale pour le malade… avant la consommation chronique, lorsqu’il était comme vous…

Pourquoi l’alcool, pourquoi l’anxiété, l’angoisse, la décompensation dépressive ? Dans quel ordre d’importance ou d’intensité classer ces drames intrapsychiques ? Tout est constitué de variables qui interagissent, la causalité est plurifactorielle. Bien entendu, puisqu’il s’agit de souffrances humaines.

Qui pourrait comprendre la souffrance innommable qu’occasionnent ces maux ? Les petits cons obtus qui jugent plus vite qu’un alcoolique fini sa bouteille ? J’en doute, ils devraient galérer un peu plus pour en avoir une infime idée. Les psychiatres ? Certains, malgré des appels à l’aide successifs s’obstinent à minimiser voire à nier le problème rencontré par le malade, surtout lorsque ce dernier est lui-même un spécialiste de la sphère psychosociale. Les parents ? Ils souffrent aussi. Et puis leur fils n’est pas un alcoolique. Car ils en connaissent, et des vrais ceux-là ! Le conjoint ? Il est entraîné dans la spirale infernale en étant aussi armé pour aider qu’un enfant avec un lance-pierres devant un char d’assaut… De plus, il est le premier à constater son impuissance dans une souffrance qu’il ne peut exprimer. L’enfer alcoolique, c’est que ça se partage, messieurs les bien pensants…Que dire des pourritures qui, sentant une faille insondable dans votre psychisme vous enfoncent pour sortir évidemment vainqueurs d’un combat dans lequel l’alcoolique n’avait aucune chance. Autant demander à quelqu’un souffrant d’une verrue plantaire de courir un marathon pour lui octroyer un peu d’humanisme….
Malgré tout ça, j’ai 36 ans, dont 4 années d’alcoolisation progressive, je m’en suis sorti pour le moment… depuis presque 2 ans, mais un conseil : partage ton vécu avec les Alcooliques Anonymes, ils ne jugent pas, veulent aider et comprennent mieux que personne cette saloperie de maladie !