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Chère Nabhi,
J’essaierai de répondre à toutes tes questions, alors n’hésite pas à m’en poser.
Sache qu’aujourd’hui, ma blessure s’est cicatrisée, même si Dimitri grandit dans ma tête : je sais toujours quel âge il aurait, dans quelle classe il serait, et quand je vois ses 3 frères, je l’imagine au milieu d’eux, j’essaie de deviner comment il serait … Mais je peux en parler sereinement (j’ai mis 4 ans à arriver à en parler sans pleurer).
Mes 2 premières grossesses s’étaient déroulées sans problèmes : c’est pour ça, m’a dit le gynéco, qu’il ne s’est pas inquiété (réponse inadmissible).
Je n’avais pas fait d’amniocentèse pour Dimitri, car rien ne le justifiait (j’avais 36 ans, c’est recommandé à partir de 38).
Si j’ai attendu 2 ans avant une nouvelle grossesse, c’est parce que je n’étais pas prête avant, parce que je ne voulais pas d’un bébé « de remplacement ». Je voulais avoir dépassé ma douleur et être prête. Je voulais vraiment un AUTRE bébé. Je ne te cache pas que cette 4ème grossesse a été hyper-angoissante pour moi, car je passais mon temps à appréhender de revivre ce qui s’était passé : quand Dimitri est mort (j’ai compris plus tard que c’était sûrement à ce moment-là), j’ai ressenti comme une décharge électrique dans le ventre. J’ai voulu croire que c’était une contraction (puisque j’étais à terme), mais ça n’y ressemblait pas. Puis, je ne l’ai plus senti bouger. C’était un samedi après-midi. Le lundi, j’ai appelé mon gynéco qui m’a dit de partir pour la clinique. J’ai déposé mes 2 fils (âgés de 1an et demi et 2 ans et demi) chez mes parents, nous sommes allés au resto, et puis je suis partie tranquillement, pour accoucher. Tu vois, j’étais à mille lieux de me douter …
Arrivée à la clinique : chambre, monitoring … silence.
L’infirmière a fait sortir l’autre future maman qui partageait la chambre et a appelé la surveillante. Je restais cool. On n’imagine pas ces choses-là.
Echographie, et verdict : « le bébé est mort ».
Incompréhension : de quoi parle-t-elle ? Brouillard.
Examen du médecin (appelé en urgence) et confirmation : le bébé est mort, il faut provoquer l’accouchement naturel (pas de césarienne, car on ne connaît pas les causes de la mort, donc infection possible).
Cauchemar : je ne veux pas accoucher, je ne veux pas voir cet enfant mort.
Piqûres pour déclencher, accouchement (le gynéco, sans doute perturbé, me massacre).
Puis, souvenirs très flous : il paraît que j’ai voulu voir mon fils, que je l’ai pris dans mes bras … je me souviens juste d’une infirmière qui le tenait emmailloté près du lit, et de lui avoir effleuré la joue de mon doigt.
A la clinique, j’étais comme une pestiférée : aucun suivi, pas de contrôle de ma température ou de ma tension … aucun personnel médical n’est venu me voir.
L’autopsie n’a rien donné, une des hypothèses est, comme pour toi, un problème circulatoire (je crois qu’ils disent ça quand ils n’ont pas d’autre réponse).
Je n’ai rien pris pour la grossesse suivante.
Surtout, NE TE CULPABILISE PAS. Tu n’y es pour rien. Tu ne pouvais pas prévoir, tu ne pouvais pas savoir. Si une solution existait pour ta fille, ce n’était pas à toi de la connaître.
Peut-être que Luz et Dimitri n’étaient pas viables, peut-être que si on les avait « sauvés », ils auraient souffert … C’est ce que me dit souvent mon mari. Je n’arrive pas vraiment à me convaincre.
Quoi qu’il en soit, ils ont vécu en nous quelques mois de paix et de bien-être, j’aime à le croire.
Je t’embrasse.