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CLINIQUE
Le syndrome de l’homme raide
Du diagnostic au traitement
Le syndrome de l’homme raide (SHR) fait partie des syndromes d’hyperactivité
neuromusculaire, anomalie de la contraction musculaire d’origine centrale ou
périphérique. Lorsque l’origine centrale est retenue et que les causes infectieuses,
toxiques et les lésions focales de la moelle épinière sont éliminées, on parle de SHR.
David Calvet*
cette activité disparaît pendant le
sommeil.
Le liquide céphalorachidien est
normal ou présente quelques bandes
oligoclonales d’immunoglobulines
(4). Dans 90 % des
cas, cette forme clas-
sique de SHR est asso-
ciée à la présence
d’anticorps anti-acide
glutamique décar-
boxylase (GAD),
enzyme synthétisant
l’acide gamma-amino
butyrique à partir de
l’acide glutamique.
Ces anticorps sont
détectés dans le sang
et le LCR.
L’imagerie du névraxe est normale
(4). Dans 70 % des cas, il existe des
anomalies du métabolisme gluci-
dique (2), de nombreux auto-anticorps
peuvent également être détectés,
dirigés contre la thyroïde, le muscle
lisse, les récepteurs de l’acétyl-
choline, les surrénales, la peau ou
l’estomac. Environ 40% des patients
présentent une maladie autoim-
mune. 90 % de ces formes de SHR
s’améliorent sous traitement symp-
tomatique (4).
PHYSIOPATHOLOGIE
DU SHR
Elle reste incertaine, les autopsies
restant rares et peu contributives
lorsqu’elle sont réalisées (4). Cepen-
dant, une origine autoimmune est
souvent évoquée devant la pré-
sence d’anticorps anti-GAD et l’as-
sociation à des maladies autoim-
munes, mais le rôle précis de ces
anticorps reste à définir. Certaines
formes du SHR sont d’origine para-
néoplasique (3), parfois associées
* Service de Neurologie, Hôpital Sainte-Anne, Paris
LA FORME TYPIQUE
Décrit initialement par Moersch
et Woltman en 1956 (1), la forme
classique du syndrome de l’homme
raide (SHR) a des critères dia-
gnostiques stricts récemment redé-
finis par Brown et coll. (2) (Tab. 1).
La forme clinique typique de ce
syndrome, qui survient chez l’adulte
d’âge moyen, est caractérisée par
la survenue progressive d’une rigi-
dité abdominale et paraspinale se
compliquant parfois d’une hyper-
lordose, par des spasmes muscu-
laires douloureux déclenchés par
les émotions, les stimulations tac-
tiles ou les bruits (2, 3). Cepen-
dant, au début de la maladie, les
troubles peuvent être discrets et
n’être perçus qu’à la marche. Une
atteinte proximale des membres
se voit dans quelques
cas (2). Par contre, il
n’y a pas de faiblesse
musculaire, pas de
trouble sensitif, pas
d’atteinte sphincté-
rienne ni de signe cli-
nique d’atteinte du
tronc cérébral.
L’électromyogramme
porte le diagnostic
en mettant en évi-
dence une activité
motrice continue
dans l’ensemble des muscles exa-
minés (agonistes et antagonistes);
Rigidité axiale
et spasmes
musculaires
réflexes douloureux
doivent faire
évoquer le
diagnostic de SHR.
1 – Raideur et rigidité des muscles axiaux (les muscles proximaux des membres
peuvent parfois être touchés)
2 – Posture anormale (habituellement, accentuation de la lordose lombaire)
3 – Spasmes musculaires surajoutés provoqués par les mouvements volontaires,
les émotions, les bruits et les stimuli somesthésiques
4 – Absence de signes d’atteinte du tronc cérébral, pyramidaux, extrapyramidaux et
d’atteinte du 2
e
motoneurone, de trouble sphinctérien et de la sensibilité, de
troubles cognitifs
5 – Activité motrice continue affectant au moins un muscle axial
Tableau 1 – Critères diagnostiques de SHR, d’après Brown et coll. (2).
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CLINIQUE
aux anticorps anti-amphiphysine,
anticorps non spécifiques.
D’un point de vue fonctionnel, il
existe un déséquilibre entre un sys-
tème descendant cathécholami-
nergique facilitateur des réflexes en
flexion et un système
gabaergique inhibi-
teur (2, 3). L’intégra-
tion de ces projections
se réalise au sein des
interneurones de la
substance grise de la
moelle épinière et du
tronc cérébral. Ce
déséquilibre fonc-
tionnel des projec-
tions est responsable d’une décharge
continue des interneurones à l’ori-
gine de la rigidité musculaire.
LES FORMES ATYPIQUES
DE SHR
Depuis une vingtaine d’années, de
nombreuses formes cliniques aty-
piques sont rapportées dans la lit-
térature (2-4). Ainsi, on observe de
multiples observations avec une
atteinte encéphalomyélitique aiguë
ou chronique. Il existe des carac-
téristiques cliniques devant alerter
le clinicien (2) (Tab. 2), en particulier
la présence d’une rigidité distale
des membres ou de signes d’at-
teinte du tronc cérébral.
Trois formes distinctes peuvent être
décrites.
q
Encéphalomyélite
progressive avec rigidité
(EMPR)
Il s’agit d’une forme subaiguë d’ag-
gravation progressive avec rigidité
majeure, et signes d’atteinte des
voies longues et du tronc cérébral.
La durée de vie est de quelques
mois seulement (inférieure à 3 ans)
du fait d’une mauvaise réponse aux
traitements symptomatiques et
immunomodulateurs. Une origine
paranéoplasique est souvent sus-
pectée, parfois confirmée (5).
L’EMPR diffère histologiquement
des autres SHR par la présence
d’une démyélinisation, les fais-
ceaux cortico-spinaux sont très
longtemps épargnés (2, 4).
q
Jerking stiff man syndrome
Forme chronique qui se caractérise
par la présence sur-
ajoutée de myoclo-
nies des 4 membres.
La gravité de cette
forme vient des
troubles respira-
toires.
En effet, les myo-
clonies peuvent sur-
venir en salves rap-
prochées et être
fatales. Une trachéotomie et une
ventilation assistée sont parfois
nécessaires en attendant l’efficacité
du traitement (2). Cependant, cette
forme clinique est compatible avec
une durée de vie prolongée (supé-
rieure à 10 ans), ce qui est plus en
faveur d’une origine autoimmune
que d’un syndrome paranéopla-
sique. Les traitements immuno-
modulateurs semblent avoir un
intérêt particulier (2, 3).
q
Stiff limb syndrome ou
syndrome des membres
raides (SMR)
Le tableau clinique est dominé par
la présence d’une rigidité et de
spasmes distaux des 4 membres,
surtout des membres inférieurs
responsables de postures fixées. Il
n’y a pas d’atteinte du tronc céré-
bral ni de myoclonies. La particu-
larité biologique du SMR est l’ab-
sence d’anticorps anti-GAD (positif
que dans 15 % des cas) (2, 3) mais
il existe une association fréquente
à d’autres maladies autoimmunes.
Quelques cas de SMR paranéopla-
siques avec parfois anticorps anti-
amphiphysine sont décrits, associés
à l’existence d’un cancer du sein ou
d’un cancer pulmonaire à petites
cellules (2, 4) ; ces formes répon-
dent bien au traitement par pred-
nisolone et au traitement de la
tumeur (2). La durée de vie est pro-
longée, mais 1/4 des patients sont
en fauteuils roulants, les 3/4 évo-
luent par poussées et rémissions,
les traitements immunomodula-
teurs, immunoglobulines intra-
veineuses et échanges plasma-
tiques ont un intérêt particulier
dans les rares formes avec anti-
corps anti-GAD (6).
QUEL TRAITEMENT ?
La prise en charge du SHR reste
délicate et la qualité de la réponse
au traitement est fonction de la
forme clinique. Les traitements
symptomatiques qui potentiali-
sent le GABA, tels le diazépam, le
baclofen, le vigabatrin (7) ou
l’acide valproïque, peuvent amé-
liorer les troubles. Des traite-
ments immunomodulateurs, tels
que les immunoglobulines et les
SHR : origine
autoimmune
probable,
paranéoplasique
parfois.
1 – Rigidité et posture anormale affectant au moins un membre, incluant la main ou le pied
2 – Myoclonies affectant les 4 membres
3 – Signe d’atteinte du tronc cérébral
4 – Signe d’atteinte des voies longues
5 – Signes d’atteinte du 2
e
motoneurone
6 – Troubles cognitifs (en particulier troubles de la mémoire)
7 – Dysautonomie, troubles sphinctériens
8 – Pléiocytose du LCR
Tableau 2 – Caractéristiques cliniques évocatrices d’une forme
atypique de SHR, d’après Brown et coll. (2).
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CLINIQUE
MOTS-CLÉS
SYNDROME DE L’HOMME RAIDE,
HYPEREXCITABILITÉ MUSCULAIRE,
SYNDROME DES MEMBRES RAIDES,
ENCÉPHALOMYÉLITE PROGRESSIVE
AVEC RIGIDITÉ,
ANTICORPS ANTI-GAD
BIBLIOGRAPHIE
1.
Moersch FP, Woltman HW. Progressive
fluctuating muscular rigidity and spasm “stiff-
man” syndrome): Report of a case and some
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9.
Barker RA, Marsden CD. Successful
treatment of stiff man syndrome with intravenous
immunoglobulin.JNeurol Neurosurg Psychiatry
1997 ; 62 (4) : 426-427.
échanges plasmatiques, sont sou-
vent utiles pour modifier l’his-
toire naturelle de la maladie ou
diminuer les doses du traitement
symptomatique, afin
d’en limiter les effets
secondaires fré-
quents avec les
posologies néces-
saires à l’améliora-
tion des troubles (4,
8, 9). La forme clas-
sique du SHR répond
bien au traitement
avec 90 % de bonnes
réponses au traite-
ment symptomatique ; l’EMPR
répond très mal d’où son mauvais
pronostic et on observe 55 % de
réponses partielles et une auto-
nomie améliorée chez 25 % des
patients présentant un SMR
(2-4).
CONCLUSION
Le SHR présente de multiples formes
cliniques différentes, ce qui rend
très utile les classifications pro-
posées par Brown et Coll. afin
d’orienter au mieux la démarche
diagnostique, étiolo-
gique et thérapeutique.
Une meilleure compré-
hension du mécanisme
étiopathogénique devrait
permettre ultérieure-
ment, une meilleure
prise en charge de la
maladie.
s
L’absence
d’anticorps
anti-GAD
n’élimine pas
le diagnostic.